apa arrête,rentre le tracteur et va prendre ton café !
Thomas Geeraerts 31 ans, patatier dans la région de Fleurus est obligé de décrocher son père âgé de 78 ans de son engin.
Dans cette grande ferme, toute la famille s’agite, chacun à son poste. Il fait froid ce matin d’octobre mais il suffit de regarder les Geeraerts, producteurs de patates depuis deux générations, s’activer pour se réchauffer.
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L’exploitation recouvre 180 hectares de champs de pommes de terre cultivés en “conventionnel“. C’est une agriculture où les traitements sont réalisés grâce à des produits chimiques plus ou moins nocifs. Mais depuis l’arrivée d’Hélène, l’épouse de Thomas, à la ferme, ils se sont également lancés dans la culture de légumes biologique.
« On ne fait pas de pommes de terre en bio pour ne pas avoir trop de problèmes avec nos organismes certificateurs. Nous préférons avoir deux sortes de cultures totalement différentes », explique l’agriculteur. Le “conventionnel“ se fait très souvent dans les cultures de masses, il permet une rentabilité et assure le moins de pertes possible.
Papa faisait déjà ses propres plants
En se rendant avec fierté vers ses grands hangars, Thomas raconte qu’ils créent eux même leurs plants de pommes de terre comparée aux autres patatiers. « Papa faisait déjà depuis des années ses propres plants sur une partie des champs!». Ici, sur le domaine familial, deux types de patates sont plantés et récoltés chaque année: des Innovators et des Fontanes. L’année prochaine les Challengers, une troisième variété, seront également semées.
Ce sont des variétés pour faire des frites type classe “double A“. Il existe un système de classification par A. Les “triple A“ sont destinées aux fast-foods. «Il y a plusieurs facteurs définis afin que les frites soient plus esthétiques dans le paquet. Il est important qu’elles tombent bien et qu’elles soient bien dorées sans petites taches noirs. Tout est calibré!».
Dans le hangar, un mur de plus de trois mètres de haut de patates se dresse devant Thomas. Il entreprend l’escalade sans peur et avec agilité. Après la récolte, qui se déroule au mois de septembre, plus de neuf mille tonnes de pommes de terre sont stockées et ventilées dans ces entrepôts
jusqu’en juillet. Les températures idéales pour la conservation sont de huit à neuf degrés. Les portes doivent être ouvertes toutes les douze heures pour aérer car une fois arrachée, la pomme de terre continue à vivre.
Les aléas climatiques font les joies du métier d’agriculteur
Sa température remonte vite, elle respire et libère du CO2. Tout doit être jaugé à la perfection pour éviter le plus possible les pertes. Le taux d’azote doit être surveillé pour que le tas ne pourrisse pas. Cela peut être le cas lorsque les patates ont trop d’eau ou bien trop d’azote.
« Les gros orages de cette année rendent la récolte plus compliquée, si la
pomme de terre reste 24 heures sous l’eau elle pourrit et les agriculteurs ne
le voient pas forcément de suite ».
Le patatier amusé ajoute en fermant les
portes : « Les aléas climatiques font les joies du métier d’agriculteur».
Planteuse, arracheuse, trieuse, après avoir fait le tour de tous les engins high-tech, le travail de la terre ne semble pas facile. «Pendant la période de récolte on arrache, on arrache, on arrachede 6 à 22 heures. » En une journée, dix à douze hectares de pommes de terre sont ramassés. Les deux générations de producteurs ne sont pas de trop pour couvrir la totalité des champs, cela représente trois semaines de travail intensif. « Pour semer les plants, cela va plus vite mais ce n’est pas moins fatiguant ! », deux équipes se relayent jour et nuit sur le terrain. Moins d’hommes sont nécessaires pour planter les pommes de terre. Une personne peut semer sur vingt hectares par jour.
Cette année, nous devrions y échapper ! Touchons du bois !
«Patatier n’est pas un métier facile, au niveau du stockage et de la culture, la production de patates est plus difficile que les autres plantations ». Les plus grandes complications sont les champignons comme le mildiou. Il est la plus grande peur de l’agriculteur. Il attaque le plant et le fait pourrir. Il peut désagréger un hangar entier. Il y a deux ans, les récoltes de Thomas ont été infectées, Il a dû jeter une réserve entière et la désinfecter. «Il y a des années où il pleut tellement que nous n’avons même pas le temps de traiter la culture. A cause de l’humidité, on a des départs de mildiou qui commencent un peu partout. Cette année, nous devrions y échapper ! Touchons du bois!», confie Thomas d’un ton sérieux et en se tapotant le crâne. Aujourd’hui des logiciels permettent de prédire plus ou moins le cycle du champignon en fonction de la température et du stock de spores qu’il y a dans l’atmosphère.
Une fois au chaud dans l’immense maison familiale, les agriculteurs expliquent que les difficultés du métier peuvent également être financières. Se lancer dans la production de patates demande beaucoup d’argent. Il faut donc savoir à qui on va vendre avant de commencer. « Moi j’ai repris en partie les contrats de mes parents même si nous en avons de nouveaux chaque année». Les accords sont mis en place un an avant de planter. MacCain, Farm Frites, Agristo, ces géants du commerce transforment les pommes de terre pour ensuite les revendre aux fast-foods ou aux grands magasins en fonction de la variété. Les contrats avec les entreprises permettent un revenu stable à l’agriculteur. Il y a également une partie de la production vendue en “libre“. Cela se fait en fonction du prix du jour. L’année passée une tonne de patate valait 25€ car la récolte avait été très fructueuse. Cette saison, dû à la sécheresse de l’été, la tonne est dix fois plus chère. «Cette année ne va pas être facile, mais les Innovators et les Fontanes ont quand même bien supporté le climat.
Par contre chez d’autres producteurs ça sera la catastrophe!».
Le nuit tombe sur le domaine des Geeraerts mais ne les stoppe pas pour autant.
«Il y a toujours du travail dans une ferme! On s’arrêtera quand on sera trop vieux!», lance l’agriculteur septuagénaire.







